Tombée du ciel : Acte 2Le Chant du Cristal
La marche dans le Désert n'était pour eux qu'une promenade de santé. Ils avaient une mission de la plus haute importance et à chaque levée du soleil, les prières étaient prononcées avec une ferveur incroyable. Galvanisés par leur foi, ils ne virent pas le temps passer. Enfin, au milieu d'une journée particulièrement radieuse, tous l'entendirent. C’était comme une sorte de chant, majestueux. Il les appelait, les guidait jusqu’à l’endroit de l’impact. Plus ils progressaient et plus le chant devenait clair. Alhem s’arrêta brusquement de marcher.
- Pourquoi t’arrêtes-tu ? dit Aziz en posant sa main sur l’épaule du prêtre de Sol’ra.
Les autres nomades les regardaient, attendant les paroles de leur chef spirituel.
- Ce chant est un appel au secours. La pierre vit, elle résonne et raisonne. Les infidèles sont nombreux et puissants. Elle est en danger. Nous devons faire vite avant qu’il n’arrive une catastrophe.
Aziz se tourna vers Kararine et prit l’air le plus autoritaire possible.
- Tu vas partir en éclaireur et nous faire un rapport sur ces chiens qui osent s'approprier ce qui n’est pas à eux.
Pour toute réponse, la jeune femme le salua de la tête avant de se mettre à courir dans la direction de l’impact.
Quelques heures plus tard, elle arriva enfin à destination et son coeur se serra lorsqu’elle posa les yeux sur la pierre. Elle était magnifique et baignait dans une lumière rappelant à la jeune femme le temple de Sol’ra lorsque le soleil, au zenith, léchait de ses rayons les murs de la salle de prière. Au pied, de part et d’autre, il y avait deux camps. Un aux tentes bleutées parées d’oriflammes aux symboles de Dragon, l’autre aux tentes rouges bien alignées. Un peu partout, il y avait divers campements plus au moins gros aux styles parfois très différents. Kararine estima qu’il y avait beaucoup de monde, mais que de toute façon Sol’ra protégerait ses fidèles et qu’ils viendraient facilement à bout de ces parasites. Intérieurement, elle jubilait déjà, imaginant les combats qui allaient avoir lieu. Bientôt ce dit-elle, ces tentes brûleront dans les flammes de la fureur du dieu soleil. Tout à coup, elle entendit des bruits de pas qui s’approchaient d’elle. Elle sentait que l’air se rafraîchissait. Les bruits cessèrent et une voix à l’accent étrange s’éleva.
- Vous entendez ce chant vous aussi ?
Kararine risqua un coup d’oeil en dehors de sa cachette. Il y avait là une femme à la peau bleue pâle et au regard intense. il y avait chez cette personne comme un pouvoir caché qui mis en confiance la jeune nomade. Elle se décida à aller examiner cette étrangère. Sans prononcer un mot, elle tourna autour d’elle et comprit que le froid émanait de sa personne.
- Qu’est-ce que vous êtes ? De quel chant parlez vous ?
- Je suis Yilith, j’ai fait un long voyage jusqu’ici et j'entends un chant dans ma tête. L’entendez-vous ? Tout cela est incroyable.
Pour Kararine, cette infidèle cherchait à la déstabiliser. Elle devait prévenir Alhem et Aziz le plus vite possible.
- Je ne sais pas de quoi vous parlez ? s’exclama-t-elle en reculant. Elle dégaina une dague et se mit en position défensive. Laissez-moi tranquille et il ne vous arrivera rien.
- D’accord, vous n’êtes pas très aimable. Je vais voir si d’autres personnes pourront m’aider. Puis elle continua son chemin comme si de rien n’était.
Kararine continua ses investigations dans la forêt qui se trouvait non loin de là car il lui semblait y avoir de l’agitation. Le plus furtivement possible, elle se déplaça en espérant cette fois ne pas faire de mauvaise rencontre. Là aussi, manquant de chance ou peut-être à cause de sa méconnaissance des lieux forestiers, elle faillit de peu se faire empaler par une dague de lancer. Alors, une personne vêtue de gris avec une cagoule assez déroutante lui bondi dessus sans crier gare. Cette fois, il n’en fallait pas plus à la jeune femme pour la mettre en colère. Elle esquiva avec agilité tout en prenant une dague dans chaque main. Elle répliqua avec vitesse prenant son adversaire de court, mais celui-ci para une dague et tenta une acrobatie pour éviter l’autre qui coupa net un morceau de sa cape. Le combat dura ainsi plusieurs heures, tous deux étaient de forces équivalentes mais Kararine avait établi un plan, peu à peu elle se rapprochait des siens. Si bien qu’au bout d’un moment l’ashashine (car tel était le nom de son rôle chez elle) sut que son ennemi allait perdre car désormais, ils étaient cinq contre elle. C’est Aziz qui se lança dans la bagarre, déroutant le Traquemage qui esquiva de justesse une lance qui aurait dû le traverser de part en part. La situation lui échappait, sa proie aussi. Il fallait de nouveau disparaître pour repenser sa stratégie. Il s’enveloppa dans sa cape et se jeta par terre. Le tissu s'aplatit alors contre le sol avant de se faire couper en petit morceau par Kararine et Aziz. Hélas, le Traquemage avait disparu.
L’éclaireuse expliqua alors ce qu’elle avait vu et qui elle avait rencontré. Elle insista sur l’étrangeté des infidèles et proposa de ne pas attaquer de front sans quoi la défaite, malgré l’appui de Sol’ra, serait cuisante. Aziz, qui avait longuement servi dans l’armée de Kahani III proposa, en attendant l’arrivée des renforts, de tenter de s’approcher de la pierre en menant de petites attaques ciblées contre des groupes de peu de guerriers. Alhem accepta avec une certaine réticence, mais il fallait impérativement suivre les ordres de Ïolmarek et il était certain que les infidèles croiseraient leur route. De plus la pierre les appelait, il fallait faire vite désormais.
Ces infidèles allaient goûter la puissance des fidèles de Sol’ra. Ainsi, les Nomades du désert entrèrent dans le conflit de la Pierre Tombée du Ciel.
La Malediction
La porte était ouverte, et la lumière qui s’en échappait faiblissait doucement. Sangrépée et Sanvisage se regardèrent un long moment avant que l’un deux ne prononce le moindre mot.
- Et maintenant ? Il se passe quoi ? dit l’Hom’chaï à sa compagne ?
- Et bien, on y va !
Mais a peine eut-elle fini sa phrase qu’une forme se dessina. Un homme passa le seuil de la porte, fit quelques pas et s’écroula. Puis, sans le moindre bruit, la Porte de l’Infini se referma, puis disparu. Les deux Zil firent les gros yeux, ils ne s’attendaient vraiment pas à ça. On leur avait promis un retour chez leurs semblables, et ils se retrouvaient finalement avec quelqu’un débarqué de nulle part.
Sangrépée examina l’inconnu. Celui-ci portait une magnifique armure de plaques couverte de cuir durci, qui lorsqu’elle était neuve devait probablement être rouge. Une capuche couvrait sa tête, laissant apparaître quelques mèches de cheveux que le temps avait grisé. L’Elfine se pencha sur le corps inanimé et souleva la capuche.
- Il est en vivant. Ramenons le à Kriss, il pourra probablement voir ce qu’il a.
Sansvisage attrapa l’inconnu et le jeta sur son épaule tel un vulgaire sac.
Tout au long du chemin vers le campement du reste de la guilde, Sangrépée semblait perdue dans ses pensées. Quelque chose la dérangeait sans trop savoir quoi. Elle avait cette vague impression que cet inconnu n’était pas si inconnu que ça. Arrivés au chapiteau, ils furent accueilli par Abyssien.
- Vous voilà enfin, nous avons des choses à nous dire.
- Nous aussi nous avons des choses à te dire. Nous devons voir aussi Télendar et Kriss pour qu’on leur explique.
- C’est une longue histoire, mais Télendar n’est plus des nôtres. Je reprends le rôle de chef des Combattants de Zil.
C’était décidément une journée pleine de surprises !
- Euh... Très bien, de toute façon je ne l’ai jamais aimé. Quand il a pris ta place à l’époque je lui aurais bien mis quelques tartes.
- Sansvisage, toujours en finesse et en poésie.
Ce dernier posa délicatement son paquet au pied de leur ex-nouveau ou nouveau-ex chef qui regarda l’inconnu d’un regard étonné.
- Ça alors ! Cette armure me dit quelque chose.
- Toi aussi ? coupa Sangrépée. Depuis qu’on l’a trouvé, j’ai l’impression de le connaître.
- C’est parce qu’on vous a sûrement raconté cette histoire. Enfin, son histoire lorsque vous étiez chez les humains à Yses.
Sur cet entre-fait, Kriss attiré par l’attroupement rejoignit ses compatriotes.
- Qu’est-ce qu’il se passe ici ? interrogea le musicien.
- Tu tombes bien toi, tu peux regarder ce qu’il a. Ordonna le chef des Zil en montrant l’inconnu.
- Oui bien sûr, mais pas ici. Sansvisage, amène-le dans ma roulotte, je te prie.
Abyssien et Sangrépée s’installèrent confortablement sous le chapiteau qui, en dehors des représentations, servait d’immense salon où les membres de la guilde pouvaient se prélasser à leur guise.
- Alors cette histoire ?
- Oui, j’y venais, dit-il en posant son chapeau.
Tout autour d’eux, le chapiteau disparut pour laisser place à une forêt lugubre. Là, un animal se faufila entre les arbres, puis en vint un autre, puis un autre pour finalement former une meute. Puis ils sortirent du bois. Sangrépée les reconnut : des Volks ! C’étaient de terribles créatures quasi disparues à l’heure actuelle. L’un d’eux était particulièrement imposant. Il était visiblement leur chef. La suite ne fut que carnage. Les volks attaquèrent plusieurs villages et dévorèrent tout les êtres vivants qu’ils purent, autant par plaisir que par faim. La scène changea, désormais ils étaient dans un château. Là, trois personnes noblement vêtues devisaient vivement.
- Sire, nous avons tout tenté contre les volks, sans succès. Ils sont doués de raisons et leur chef nous sent arriver.
L’homme couronné fixa le sol réfléchissant à la meilleure solution.
- Je ne vois plus que lui pour nous venir en aide. Je sais que vous ne l'appréciez guère, mais il faut vous faire une raison.
- Vous n’y pensez pas ! Gaumatta, malgré l’amitié qui nous lie, ne pouvez-vous pas intervenir plutôt que de faire appel à lui ?
- Mergis, tu es certes mon ami, mais ma décision est prise. Bardiya, allez prévenir Kolodan de la situation.
L’image se brouilla et le chapiteau réapparu. Kolodan !! Elle connaissait cette histoire. Ce protecteur fut le dernier rempart contre ces monstres. Il les décima tous et combattit leur chef durant des jours. Puis, après cela, il disparut mystérieusement.
- Tu veux dire que cet homme est Kolodan ?
- Ce n’est pas certain et la meilleur façon de vérifier ça est de lui demander.
La nuit tomba sur le Tombeau des ancêtres. Kriss avait officié et ses quelques blessures n’étaient plus qu’un souvenir. Abyssien, Sangrépée et Sansvisage attendaient autour du feu que Kriss leur donne des nouvelles. La porte de la roulotte s’ouvrit.
- Sansvisage, viens donc nous filer un coup de main.
Le musicien tenait par le bras l’inconnu qui avait repris connaissance. Ils l’installèrent avec eux autour du feu. Tous attendaient la suite de l’histoire, était-ce Kolodan ?
- Qui êtes vous ? demanda Abyssien.
- Je... Je suis Kolère...
- Kolodan vous voulez dire ?
- Kolo... Non ! Cet être-là a disparu il y a longtemps. Il ne reste plus que celui qu’il est devenu.
- Et qu’est-ce que vous êtes devenu si je peux vous demander ça ?
- Je ne suis pas homme, mais pas tout à fait volk. Je ne suis que Kolère.
- Où étiez vous durant tout ce temps ?
- Tout ce temps ? Quand sommes-nous ?
- Si mes souvenirs sont bons, les sept royaumes utilisent le calendrier impérial. Nous sommes donc en l’an 105.
Ce fut comme un coup de poignard pour Kolère. Plus de vingt années s’étaient écoulées sans qu’il ne s’en rende vraiment compte.
- Où étiez-vous, ajouta une Sangrépée visiblement passionnée par le sujet.
- J’étais... j’étais...
Il ne termina pas sa phrase. Il fixait le ciel avec crainte. La lune se levait, immense et rouge. La malédiction opéra.
- Nooon ! Non non non non non non ! cria-t’il.
Une transformation s’opéra alors. Kolère se tordit de douleur, de longs poils noir apparurent sur ses bras, son armure céda par endroit. Puis son visage changea, s’allongea en un long museau, ses dents poussèrent. Il était devenu moitié homme, moitié volk. Bien qu’il fut visiblement enragé, il s’arrêta brusquement devant Sangrépée. Il fut littéralement hypnotisé par la jeune elfine. La colère partit peu à peu.
L'Ordalie
Ïolmarek attendait patiemment le reste des troupes qui devaient le rejoindre pour prendre ensuite la direction de l’impact. Il flânait dans la cour principale du temps de Sol’ra, perdu dans ses pensées. Voilà maintenant de très longues années qu’il était au service du Temple et bien que sa foi n’ait jamais faibli, depuis le chant du cristal, le vieux prêtre était en doute. Pourquoi alors que durant ces dernières longues années la présence divine avait été faible, tout à coup une manifestation aussi importante de Solar se produisait ? Il se souvient que lorsqu’il fut jeune prêtre, il y eut une autre manifestation de ce genre, et cela c’était terminé en hécatombe. A quoi servirait ce présent ? Quel est la finalité de tout cela ? Autant de questions qui germaient dans l’esprit du vieil homme.
- Le doute ne t’est pas autorisé grand prêtre.
Ïolmarek sortit de sa rêverie et regarda autour de lui. La présence qu’il senti lui était étrangement familière, comme ressurgie du passé.
- Je connais cette voix, montrez-vous.
- Regardez-moi... père.
Il se tourna alors vers la statue qu’il avait fait sculpter il y a de cela presque trente ans. La jeune femme représentée était nimbée d’une douce lumière. Elle n’avait d’ailleurs plus l’apparence d’une statue figée, mais bel et bien d’une personne vivante. Ïolmarek tomba à genoux, le cœur serré les larmes lui vinrent.
- Dja.. Djamena, c’est bien toi ?
- Je viens à toi comme messagère. Écoute mes paroles car elles sont commandement !
Une Messagère ! Cela augurait quelque chose de très important car leur apparition était toujours synonyme de changement et d’intervention divine. Les écritures antiques inscrites sur les murs du temple faisaient état de plusieurs interventions de cette nature.
- Je t’écoute Messagère.
- Tu t’écartes peu à peu du chemin grand prêtre et celui qui m'envoie a besoin que ta foi soit infaillible. Je viens te soumettre à l’Ordalie !
- Que... Quoi !? Ïolmarek n’en crut pas ses oreilles. On le soumettait à une épreuve pour prouver sa foi. J’ai déjà prouvé ma fidélité par le passé et ma vie est au service de Sol’ra !
- La foi n’est pas une affaire de passé, mais de présent. Sol’ra a besoin de son grand prêtre et tu dois être prêt. Plusieurs évènements vont avoir lieu et les infidèles feront tout pour vous contrecarrer. Tu serras tenté et si ta foi n’est pas assez forte, tu mèneras les tiens à leur perte.
- Je me soumet à l’Ordalie, qu’elle est la tâche que je dois accomplir ?
- Un père et sa fille arrivent au temple. L’homme est aveugle et survit grâce à sa fille. Tu devras convaincre le père que Solar réclame sa fille, le condamnant à une mort certaine.
Effectivement une carriole tirée par un bœuf passa l’arche de l’entrée du temple. Une jeune femme tenait l’animal par une corde. Il fut frappé de stupeur lorsqu’il se rendit compte de la ressemblance frappante entre Djamena et cette jeune femme. Il comprit a quel genre d’épreuve il se confrontait. Le jeune femme aida son père à descendre puis tous deux avancèrent vers le vieux prêtre et firent le salut de circonstance une fois à son niveau.
- Nous avons fait un long chemin pour prier Sol’ra afin de lui demander son aide et qu’il guérisse mon père.
Sol’ra dieu du soleil et de la lumière était souvent invoqué lorsqu’il s’agissait de prière afin de recouvrer la vue, en de rares cas les prières sont entendues. Ïolmarek avait encore les mots prononcés par la Messagère et à cette épreuve il avait déjà la réponse.
- Quel est ton nom ? Demanda t-il.
- Djamena.
La coïncidence était de trop. Il lui prit la main et ce concentra, se focalisant sur l’âme qui habitait ce corps. Il sourit lorsqu’il comprit que cette âme était celle de sa fille. Sol’ra l’avait renvoyée vers lui. Plus jamais il ne douterait.
- Et bien Djamena, amenez donc votre père au pied de la statue afin qu’il se recueille, nous prierons avec lui.
Ils prièrent pour que Sol’ra prenne en pitié cet homme qui vivait dans le noir et pour que de nouveau il puisse voir la lumière. Ïolmarek utilisa ses pouvoirs et plaça ses mains sur les yeux de l’infortuné.
- Tes prières ont été entendues.
Lorsqu’il enleva ses mains l’homme cligna des yeux alors que peu à peu sa vue revenait.
- Je vois ! S’exclama-t-il. Je vois à nouveau !! Il tomba à genoux devant Ïolmarek, Djamena fit de même. Comment puis-je vous remercier ?
- Et bien gardez la foi et suivez les préceptes de Sol’ra, ne doutez jamais. J’ai besoin que vous me rendiez un service.
- Dites-moi, je ferais tout ce que vous me demanderez.
- Ta fille appartient à Sol’ra.
Cette phrase signifiait-elle qu’elle serait sacrifiée en son honneur ? L’homme ne répondit pas, abasourdi par cette nouvelle. Devait-il regagner la vue au prix de la perte de son enfant ?
- N’ayez crainte, j’aimerais qu’elle reste au temple et devienne prêtresse. Djamena fut surprise. Elle une servante de Sol’ra ? L’homme se leva et pris le visage de sa fille entre les mains.
- Si mes souvenirs sont bons, une jeune prêtresse ne doit pas être vue des hommes tant que les préceptes de Sol’ra ne lui sont pas parfaitement connus. Tu n’as eu jusqu’ici une vie de misère accompagnée d’un aveugle. Il est temps que tu vives ta propre existence, même si pour cela je ne devais pas te revoir avant longtemps.
Djamena se jeta dans les bras de son père comme s’ils se disaient adieu. Le grand prêtre observait la scène avec nostalgie. Lui aussi avait tenu sa fille ainsi, il se souvient de l’amour qu’il éprouvait pour elle. C’était pour lui une deuxième chance, un renouveau, une renaissance, il compris que ce que Sol’ra prenait, il pouvait aussi rendre.
Une fois l’homme parti, Djamena et Ïolmarek se retrouvèrent seuls. Là les yeux de la jeune femme changèrent et brillèrent de mille feux.
- Tu as réussi cette première épreuve, mais ils y en aura d’autres. Tu as deviné, je vais revenir mais pour cela il faut que je reste ici. Le moment venu je te rejoindrai, père.
Le Runique, chapitre 2
Kalhid attendait une réponse, même s’il était certain que c’était “oui”. Mais après tout, il valait mieux ça que de retourner à l’esclavage.
- Il y a quelque chose que tu peux faire pour nous. Sache que tu es libre de refuser, la porte au fond de la salle t’emmènera vers la sortie. Car ce qui t’attend va être difficile à accomplir.
- Je ne suis pas un ingrat. Vous m’avez sauvez de la mort et je vous suis redevable. Alors je vous écoute, que souhaitez-vous que je fasse ?
La forme s’approcha du jeune homme, mais ce dernier n’osa pas lever les yeux car beaucoup trop intimidé.
- Bien, ton choix est fait, ta parole est donnée. Il y a plusieurs jours une météorite s’est écrasée au beau milieu du continent. Si l’évènement en lui même est assez banal, c’est la nature de la météorite qui nous intéresse.
L’Inconnu alla du côté des armes et armures et, tournant le dos à Kalhid, il continua son discours.
- Vois-tu, nous parcourons le monde à la recherche de certaines pierres qui possèdent des facultés magiques ou qui s’assimilent à cela. Or, celle-ci présente un grand pouvoir que nous ressentons jusqu’ici.
Il se baissa et, d’une main assez peu humaine, il attrapa un objet. Il revint ensuite face à son interlocuteur.
- Nous aimerions que tu ailles là où elle s’est écrasée, et que tu nous ramènes un morceau de cette pierre. Cette tache est périlleuse, aussi nous te confions ceci. Il posa la chose au sol produisant un bruit métallique. Kalhid hésita puis l'attrapa. Aussitôt la chose se développa autour de sa main et de son poignet. C’était comme une sorte de gantelet. Le jeune homme sentait presque comme une sorte de conscience à l’intérieur.
- Ceci est un objet runique. Prends-en soin car tu devras le ramener. Plus vous serez en symbiose tous les deux, plus le gantelet se développera. Après quelques mouvements, il se rendit vite compte que le poids de l’objet ne correspondait pas à son apparence, mais pourtant il semblait très résistant.
- Je vous remercie. Si j’ai bien tout suivi, il me faut aller à l’endroit où une météorite s’est écrasée, en prendre un morceau et revenir ici. C’est cela ?
- Oui.
- Bien, cela ne me semble pas très difficile.
- Si, ça va l’être. Mais avant que tu ne partes, saches que ton nom n’est plus Kalhid, tu seras désormais le porteur de runes Harès.
Un nouveau départ, avec un nouveau nom ? Au final, il valait mieux ça. De toutes façons, il comptait bien changer de nom.
- Dehors un cheval et des provisions t’attendent. Va maintenant, nous t’attendrons ici.
Harès partit donc vers ce nouveau destin qu’on lui avait prédit.
Une semaine plus tard, Harès trouva le lieu de l’Impact. En chemin, il avait rencontré d’autres personnes qui, comme lui, allaient vers cette fameuse pierre. Il apprit que de grandes guildes étaient sur place et qu’elles se livraient à des affrontements pour sa propriété. Quand il arriva sur place, il y avait là un véritable champ de tentes. Si tout le monde voulait cette pierre, il doutait qu’on puisse le laisser prendre un bout comme ça. Il attendit donc la nuit pour agir. Une faible lumière s’échappait de la météorite qui s’avérait être bien plus grande qu’il ne l’imaginait. Il ne s’attendait pas non plus à tomber sur un os. Après tout, qui surveillerait une pierre grande comme deux maisons de peur que celle-ci se fasse voler ? Et bien visiblement, les Combattants de Zil, eux, le pensaient. Enfin, un Combattant de Zil : Marlok. Celui-ci passait une bonne partie de la nuit à étudier la pierre. Évidemment, il faisait ça le plus loin possible du campement des Draconiens.
Harès se dirigea vers la pierre puis une fois devant posa sa main gantée sur sa paroi. Marlok fut surpris car personne ne put passer la barrière qui protégeait la pierre. Lorsqu’il vit Harès assener de grand coup dessus il n’hésita pas une seconde. La prudence avec la magie était de mise et là ce n’était pas de la magie, donc potentiellement encore plus dangereux. Le mage lança un sort de fusion golemique qui eu pour résultat un mélange surprenant entre le mage Zil et son vieux golem de cristal.
- Éloigne-toi de là ! Tu risques de provoquer des catastrophes.
Harès regarda l’étrange chose avec suspicion. Son gantelet réagit à la menace et recouvrit la totalité de son bras droit.
- Ce n’est que de la pierre, ni plus ni moins. Je ne veux que prendre un morceau. Ne vous inquiétez pas, il ne se passera rien de plus.
Golemarlok secoua la tête de façon négative et sauta sur Harès, des flammes apparurent dans ses mains. L’homme du désert esquiva de justesse et asséna un coup magistral à son opposant qui faillit se retrouver à terre. Mais Golemarlok était coriace et frappa de ses deux mains jointes sur l’épaule du colosse du désert qui vacilla. Mais, pour Harès, se battre était un art de vivre. Il ne comptait plus le nombre de fois où il s’était battu dans les mines pour sa survie et celle des êtres qui lui étaient chers. Et comme à chaque fois la colère montait rapidement. Les échanges de coups se firent plus violents, la magie du mage-golem glissait sur le gantelet runique du colosse comme l’eau sur une peau d'un serpent. Puis, ce même gantelet finit par recouvrir les deux bras d’Harès et les symboles gravés dessus flamboyèrent. Golemarlok ne connaissait pas cette étrange magie et il l’apprit à ses dépends. Il souffrait de plus en plus et un malaise s’installait, il perdait le contrôle de sa magie. Mais le mage Zil n’avait pas dit ses derniers mots, et si la magie était inefficace il avait bien d’autres ressources. Il contre-attaqua avec des lames de cristal infligeant de sévères coupures à son opposant. Mais la rage d’Harès surpassait la douleur. Il mit toutes ses forces dans un dernier coup. Golemarlok eut le réflexe de se séparer de son golem pour éviter le coup qui allait sûrement le tuer. Ce fut donc sa création qui accueilli le poing ganté dans un craquement qui signifiait destruction. Harès plaqua si fort le golem contre la pierre tombée du ciel que cette dernière se craquela, libérant quelques morceaux de cristaux jaunes qui se mêlèrent aux cristaux bleu-nuit du golem.
Le mage Zil était vaincu. Et alors qu’Harès jetait les restes du golem de cristal, des personnes s’approchèrent. Ils étaient trois, leurs habits arboraient l’emblème des Envoyés de Noz’Dingard. L’un d’eux s’inclina devant Harès.
- Je suis Aerouant, fils de Prophète. Je dirige actuellement les Envoyés de Noz’Dingard.
Harès ne savait pas vraiment qui ils étaient, mais il s’en fichait vraiment. Le mage ne voyant aucune réaction enchaîna.
- Nous vous remercions pour ce que vous avez fait. Les Combattants de Zil sèment le trouble dans la région et ont commit des crimes odieux, dit-il avec amertume.
Aerouant se pencha sur Marlok. Ce dernier ne pouvait plus bouger d’un pouce, traumatisé par la perte de son golem et de sa défaite cinglante.
- Marlok, au nom de Dragon je vous arrête. Vous serez jugé en Noz’Dingard. Anryéna a vraiment hâte de vous voir. Le jeune mage ne cachait pas une certaine joie.
- Je ne sais pas qui vous êtes mais si jamais vous avez un jour besoin d’aide, prévenez-nous, nous avons une dette envers vous, ajouta Aerouant.
Alishk serra la main d’Harès à la façon des hommes du désert.
- Tu viens du désert d’émeraude n’est ce pas ? Pourtant l’armure que tu portes ne me semble pas être fabriquée là bas.
Le colosse ne répondit pas et commença à ramasser les éclats de la pierre tombée du ciel.
Les envoyés repartirent avec leur prisonnier et Harès se remis en route sans plus attendre. Il suivi le chemin aller sans s’en écarter une seule fois et une semaine plus tard il était revenu à ce mystérieux temple. Là un homme l’attendait, d’une cinquantaine d’année les cheveux bruns longs au regard fier. Il portait une armure complète de plaque de couleur dorée et argentée.
- Bienvenue Harès, je suis le seigneur runique Eilos. Si tu es là, je suppose que tu as accompli ta mission.
Harès lui jeta le sac dans les bras.
- Viens, nous avons un présent pour toi, Harès le runique.
Intrigues
Depuis la chute de la Pierre, de plus en plus de guildes et de curieux convergeaient vers les terres du Tombeau des ancêtres. Les tensions étaient à leur paroxysme et beaucoup racontaient déjà qu’une guerre avait lieu. Ceux qui étaient présents, qu’ils soient de la Kotoba, des Envoyés de Noz’Dingard ou d’autres guildes le savaient bien, le conflit plongeait peu à peu le continent vers un embrasement total. Tout cela pour le contrôle d'un pouvoir extraordinaire dont personne à part les Nomades du désert ne connaissait l'origine.
Un peu partout dans le monde, de valeureux aventuriers s'affrontaient parfois même avec des compagnons du passé...
Deux mois après le début des hostilités, en Kastel Drakren, la plus proche ville draconienne avant le Tombeau des ancêtres.
Lorsque l'issue d'une guerre est incertaine, on fait souvent appel à la politique et à l'étiquette pour tenter de trouver une solution satisfaisante pour tout le monde. Tout cela se passait évidement en coulisse, depuis quelques temps déjà, mais cela personne ne le savait, du moins jusque là. Drakren était souvent utilisé pour les rencontres entre des ambassadeurs de l'Empire de Xzia et les politiciens de la Draconie. Et en cette heure tardive, dans l'une des salles de réception, les tractations se menaient avec tact et phrases bien tournées.
Kimiko et Oogoe kage étaient missionnés par l'Empereur pour faire négocier le départ des Envoyés de Noz'Dingard, mais le négociateur envoyé par Dragon avait des années d'expérience et allait être un adversaire redoutable.
- Seigneur Galmara, je suis certaine que nous pouvons nous entendre. Vous savez bien que seul un accord entre nos deux puissances permettra de finir cette guerre stupide.
- Ma chère, ce que vous proposez me semble difficilement réalisable. Rendez-vous compte, le Tombeau des ancêtres est une zone neutre depuis la fin de la guerre entre la Draconie et l'Empire. Que cette partie du monde redevienne Xzia et qu'ainsi la pierre soit votre n'est pas possible.
- L'Empereur est conscient que cela risque de provoquer un conflit encore plus grand. Mais dans sa grande magnificence, nous vous apportons une proposition qui je suis certain vous satisfera pleinement.
Oogoe faisait partie du Corbeau une faction présente au sein de la Kotoba et qui jouait un rôle plus que particulier.
- En échange du retour du Tombeau des ancêtres dans l'Empire, nous vous accordons un droit de passage à vie sur ces terres. Et en plus de cela vos mages pourrons venir à Méragi étudier la Pierre, une fois que celle-ci y sera rapatriée, et seconder nos mages, ajouta Oogoe.
- De plus, coupa Kimiko, voici une somme offerte par l'Empereur en gage de présent. Nous savons que la Draconie souhaite ouvrir des écoles de magie, ceci pourra l'y aider.
Galmara savait que la proposition n'était pas dénuée d’intérêt, mais la contrepartie était trop faible.
- Vous êtes bien renseignés, cela ne m'étonne guère de vous ma chère. Je retiens cette proposition et accepte au nom de Dragon le présent de l'Empereur. Je vais de ce pas faire part de votre requête à qui de droit. Je vous convie à nous revoir demain afin de vous donner une réponse.
Galmara s'inclina devant ses invités et les laissa pour rejoindre dans une autre pièce plusieurs autres personnes arborant toutes les couleurs draconiènes. Il y avait là Anryéna et une autre personne dont le visage était caché par une large capuche bleue nuit.
- Seigneur Galmara, nous vous écoutons.
- Dame Anryéna, Seigneur Prophète, l'Empire de Xzia souhaite que le Tombeau des ancêtres repasse sous leur égide. En échange de quoi la Draconie aura accès, très probablement sous contrôle à la Pierre tombée du ciel afin de l'étudier.
Anryéna regarda en direction de Prophète, puis ce dernier pris la parole.
- Dragon a été formel, nul ne doit avoir cette pierre. Elle est le poison qui va ronger Guem et nous mener tous à notre perte.
Galmara fut perturbé en entendant Prophète. Il se connaissaient bien pour avoir eu de longues discussions par le passé, mais il ne reconnaissait ni le son de sa voie ni sa façon de se tenir. Mais sachant rester à sa place il ne dit mot à ce sujet.
- Très bien, mais la situation est délicate. Si la Kotoba et les Envoyés se sont soigneusement évités jusque là, nous parlons bien ici d'une probable guerre ouverte, dont nous sortirons tous perdants. Si je peux me permettre nous avons mieux à faire.
- C'est exact, répondit Anryéna.
A ce moment quelqu'un frappa à la porte et rentra. Il s'agissait de Marlok, mais celui ci était habillé au couleur de la Draconie. Il avança jusqu'à la petite troupe et mit genou à terre.
- J’ai identifié le “souci”. Nous pouvons vaincre la Kotoba si le plan ce déroule correctement.
Galmara ouvrit grand les yeux.
- De quel plan parlez-vous et depuis quand êtes-vous devenu membre des Envoyés ?
- Ceci est long à expliquer, et le temps nous manque cruellement, répondit le mage. Prophète, vous aviez raison les Combattants de Zil sont sous une emprise Néhantiste, certains d’entre eux, comme ce fut le cas pour moi n’agissent plus de leur propre chef. Nous pouvons les libérer et faire d’eux de puissants alliés.
Prophète avança jusqu’à la hauteur du mage.
- Lève-toi Marlok, tu as bien oeuvré. Tu regagnes ta place au sein du Compendium. D’autres risquent aussi de courtiser les Zil. Mets-toi en route avec Aerouant et pistez Télendar. Il ne doit pas être loin de son “maître”. Va, j’ai encore à parler avec le seigneur Galmara. Anryéna quitta la pièce en même temps que Marlok laissant Prophète et Galmara à leur discussions.
- Que pensez-vous des Nomades ?
- Je les ai côtoyé autrefois, il faut se méfier d’eux.
- J’ai peur qu’ils préparent quelque chose de grave. Seigneur Galmara, il va falloir user de ruse. J’ai une liste d’invités que je souhaite convier à une grande soirée, ici-même. Durant cette réception, il nous faudra découvrir des secrets et déjouer les complots qui se fomentent dans l’ombre.
Dans le couloir adjacent, Oogoe souriait. Oui, bien des complots se montaient...
Présage
Toran avait vaincu Akutsaï et emprisonné Akujin. Ne souhaitant pas abandonner son ancien élève, le vieux maître avait décidé qu’il était temps pour lui de revenir au temple de Yafujima et qu’enfin Aku devienne vraiment un membre de l’Ordre. Il l’avait quitté il y a bien longtemps, honteux d’avoir échoué dans sa tache de maître Tsoutaï. A présent, il était en paix. Il avait réussi l’épreuve que la vie lui avait imposée et, si on voulait bien de lui, alors il reprendrait sa place.
Leur arrivée ne passa pas inaperçue. Toran avait bien choisi son moment pour rentrer, car il était précisément l’heure de l'entraînement dans la cour. Les présents s’arrêtèrent, s’écartant pour leur laisser le passage. Les chuchotements se mirent à bourdonner jusqu’à ce que Toran et Aku furent de l’autre côté de la cour. Alors, tous attendirent les paroles du maître du Temple, le vénérable Zaoryu. Ce dernier n’en croyait pas ses yeux. Il fut autrefois un ami proche de Toran et avait eu le même maître. Toran s’inclina devant Zaoryu en présentant un rouleau fermé d’un sceau de papier.
- Voici le Cherchefaille dénommé Akujin, autrefois nommé Senjin. Je souhaite qu’il soit à nouveau gardé par les Tsoutaï de Yafujima.
Zaoryu accepta le rouleau et le confia dans la foulée à un Tsoutaï au regard assez froid. Puis à son tour il s’inclina devant Toran.
- Je suis heureux de te revoir mon ami, ta présence et tes enseignements ont beaucoup manqué. Je pense que nous avons à parler. Le jeune homme à tes côté est-il ton ancien élève, Aku ?
Aku n’avait pas prononcé le moindre mot depuis des jours. A présent libéré de son Cherchefaille il se rendait compte du mal qu’il avait causé et la honte s’était emparée de lui. Il répondit à la question de Zaoryu par une affirmation de la tête discrète.
- Vénérable, je souhaite finir de transmettre mes enseignements à Aku.
- Et tu souhaites donc rester ici et revenir parmi ceux que tu as abandonné ?
Toran se sentit mal. Oui, il les avait abandonnés.
- Mais nos enseignements sont tels qu’il ne nous est pas autorisé de vous refuser votre réintégration. Les blessures sont pansées et il faut désormais se tourner vers l’avenir. Toran ton erreur t’es pardonnée. Aku redevient ton élève...
Il fut interrompu par le cris de Aku.
- Maîtres, regardez, dit-il en désignant un immense oiseau qui passait au dessus d’eux. C’est un Cherchefaille !
Les Tsoutaï s’exclamèrent, aucun d’eux à part Aku n’avait ressenti sa présence, pas même Toran. Cela rappelait à tous quelle affinité avait le jeune homme envers le monde des esprits. L’oiseau, qui se trouvait être un Héron passa au dessus du temple et commença à s’éloigner.
- Toran, veux-tu suivre ce Cherchefaille et trouver pourquoi celui-ci se balade librement dans notre monde ? Surtout un Héron.
- Oui. Aku, reste là. Je reviens dès que je peux.
Le vieux Tsoutaï s’en alla rapidement avant de perdre la piste du Héron. En route, il se remémora une légende au sujet d’un Cherchefaille Héron.
Okïa, village Xziarite en bordure du tombeau des ancêtres. Hime avait été envoyées en tant que renfort auprès de la Kotoba et sur les recommandations du maître traqueur, Tsuro. Mais elle devait rester discrète car des informations lui indiquaient que des espions pouvaient surveiller les environs. C’était la nuit et elle patrouillait de toit en toit lorsqu’elle manqua de peu de louper sa réception. Elle se sentait observée. Mais il n’y avait pas l’ombre d’un quidam dans les rues à cette avancée de la nuit. Elle descendit pour se cacher le temps de voir si on ne la suivait pas. Or, c’était le cas, un vieux bonhomme déboula dans la rue, cherchant visiblement quelque chose, ou plutôt quelqu’un. Elle attendit patiemment qu’il passe à son niveau pour lui bondir dessus. Hélas pour elle, le vieux était Toran, qui ne fut guère surpris, prévenu par ses Cherchefailles. Ces derniers sortirent au moment de l’agression pour le protéger. Hime fut très surprise et recula de quelques pas. A ce moment là apparu devant la jeune fille un immense Héron violet qui écarta ses ailes. Le Tsoutaï n’en revenait pas, la jeune femme non plus d’ailleurs.
Les esprits se calmèrent lorsque chacun reconnût l’ordre dont faisait partie l’autre. Puis le Héron disparut, voyant que Hime était sauve et la situation sans danger. Toran observa la jeune fille avec beaucoup d'intérêt et remarqua les tatouages violet caractéristiques d’un lien avec un Cherchefaille.
- Que me voulez vous vieux pervers ?, lui lança Hime voyant ses yeux se balader sur son corps. C’était quoi tout ça ??
- Comment as-tu obtenu ces tatouages ?
- Et bien, je les ai depuis toujours.
- Bien, voilà quelque chose d’intéressant. Je veux parler à Tsuro, je sais que tu peux le contacter et ta présence ici indique de toute façon que tu devais probablement être en route pour le rejoindre.
- Je ne vois pas de quoi tu parles.
- Tu fais la maligne. Mais je sais que tu sens sa présence depuis toujours, que parfois tu as des rêves ou des visions que tu n’expliques pas. Je peux t’aider à comprendre ce qui arrive, mais je dois parler à Tsuro.
Il avait raison. Elle connaissait de réputation les Tsoutaï et c’est vrai qu’elle n’avait jamais pensé à eux pour régler son problème.
- D'accord, je vais le faire.
Le lendemain en toute fin d’après midi, Ramen, le très célèbre vendeur de nouilles s’était installé sur la place du village. Hélas pour lui, ses deux seuls clients, pour cause de réquisition se trouvaient être Toran et Tsuro. Ramen devrait être honoré de leur présence dans son humble échoppe. Mais deux clients, c’était mauvais pour ses affaires. Mais là n’était pas le sujet.
- Que sais-tu de Hime ?
- Tout, ou presque. Elle a fait une sottise ?
- Non non, bien au contraire, je pense que sa destinée n’est pas celle qu’elle pense avoir.
- Soit plus clair veux-tu, les élucubrations des Tsoutaï sont toujours difficiles à comprendre.
- Hime est une Tsoutaï.
Tsuro ne parut guère étonné.
- Oui je le savais, mais ses talents sont au service de l’Empereur et l’Empereur souhaite qu’elle fasse partie de mes Traqueurs. Tu ne voudrais pas fâcher l’Empereur n’est ce pas ? De plus, j’ai beaucoup d’espoir pour son avenir au sein de mon ordre. Le vieil homme baissa la voix pour ne pas qu’Amaya, qui gardait l’entrée, ne l’entende. Plus tard, elle a de bonnes chances de prendre ma place.
- Mais si elle ne maîtrise pas son Cherchefaille, elle risque de provoquer des accidents et ainsi nuire à l’image de l’Empereur. Tu ne voudrais pas que l’Empereur apprenant cela se fâche non ?
Un silence pesant s’installa entre les deux hommes. Chacun ne voulait pas donner raison à l’autre. Mais c’est Toran qui trouva la solution.
- Hoshikage. Tu connais ce nom ?
- Pfff, oui, bien sur, il fut un de mes prédécesseurs, il y a plusieurs siècles de cela.
- Et il était aussi le seul faire partie de nos deux ordres.
- La situation était différente.
- Non, pas différente. Je pense qu’Hime est sa descendante, je n’en sais pas plus pour le moment, mais le Cherchefaille d’Hoshikage était un Héron, comme celui de Hime. Je te propose qu’elle suive donc nos deux enseignements. Je n’avais pas ressenti une telle puissance depuis Aku, et cette fois-ci je ne compte pas faire d’erreur. Réfléchis donc au potentiel qu’elle peut apporter à l’Empire.
Tsuro se grattait la barbe.
- J’ai besoin d’elle pour une mission. Mais, dans un mois, je te l’enverrai.
Avec beaucoup d’ironie, Toran répondit.
- Je suis sur que l’Empereur ne sera pas fâché.
Le Bal des courtisans
Kastel Drakren, plusieurs semaines après la rencontre entre le seigneur Galmara et les Envoyés de Noz’Dingard...
Comme convenu, il avait porté la nouvelle à une liste au combien particulière d’invités prestigieux. Tous jouaient de grandes batailles, mais point d’armée pour eux, seule la parole leur servait à vaincre. L’intrigue, la politique et les complots étaient le quotidien de ces hommes et femmes. Galmara savait que réunir toutes ces personnes lors d’une soirée donnerait un évènement dont tous se souviendraient. Depuis, il avait reçu de nouvelles consignes suite au refus de laisser l’Empire de Xzia redevenir maître du Tombeau des anciens. Il devait désormais se focaliser sur les gens venus du désert, empêcher la Kotoba d’avoir de nouveaux alliés, et voir si les Combattants de Zil pouvaient, ou non, servir les intérêts de Dragon, rien d’inhabituel en somme.
Tous avaient répondu présents et la soirée s'annonçait passionnante. Oogoe Kage, Kimiko, Hasna, Marlok, Angélique et Masque de fer avaient fait le déplacement jusqu’au château et chacun d’eux étaient un redoutable adversaire. Galmara les accueillit dans la grande salle de bal. Il y avait aussi des notables des environs ainsi que les gens de compagnie des courtisans. Il allait commencer son discours de bienvenue, comme le voulait le protocole, lorsque le portier annonça une nouvelle personne.
- Dame Ishaïa, envoyée du Conseil.
A ce nom tous se retournèrent. Galmara fronça les sourcils, cette personne n’était pas invitée, surtout pas elle. Ishaïa faisait partie du Conseil, une guilde co-créée par les puissances de ce monde afin de réguler les autres guildes. Son pouvoir était au moins aussi grand que celui d’une nation et les décisions du Conseil devaient être respectées sous peine de terribles représailles. Enfin, le Conseil était le seul à autoriser la création de Guilde et le seul à pouvoir les dissoudre.
Ishaïa était probablement l’une des personnes les plus craintes de ce monde. Sa beauté fatale cachait un esprit vif et une intelligence redoutable. Et, ce soir là, aucune autre femme ne pouvait se vanter d’être son égale. Avançant au milieu des convives elle salua au fur et à mesure ceux qu’elle connaissait. Galmara s’empressa d’aller à sa rencontre pour ne pas faire d’erreur. Ne pas accueillir convenablement un membre du Conseil en cette soirée pouvait provoquer des vagues. Le baise-main fut de rigueur.
- C’est toujours un plaisir que de recevoir un membre du conseil.
- Pas de balivernes, seigneur Galmara. J’ai eu vent de cette petite réception, vous ne m’en voulez pas, j’espère, de m’y être invitée.
- Certainement pas, vous n’avez nul besoin d’invitation.
- C’est exact. Mais, très cher, j’ai vu que vous alliez ouvrir la soirée. Je vous en prie, faites donc.
Le courtisan regagna l’estrade avec rapidité.
- Chers amis, le monde aujourd’hui est au bord de la ruine. Nous savons tous qu’il ne tient qu’à nous de trouver une solution diplomatique. Nous avons tous des connaissances, des amis, de la famille qui en ce moment même s’inquiètent pour leur avenir. C’est pour cet avenir que vous êtes là ce soir. Il est temps que nous retrouvions confiance les uns en les autres.
Tous applaudirent, pour beaucoup par politesse plus que par conviction. Une douce musique commença et des servants entrèrent en salle, apportant alcools raffinés et mets succulents. Et les discussions d’usage débutèrent.
Dans leur coin, Masque de fer et Oogoe se donnaient les dernières nouvelles.
- Marlok a réussi.
La voix de Masque de fer était rauque et semblant venir de très loin. Le courtisan Corbeau jouait avec une plume noire de geai.
- C’est à la fois une bonne chose et une mauvaise. S’il a restitué les pierre-coeur aux Zil, il a déjà commencé à les mettre de son côté.
- Oui, pour une fois, les Envoyés ont brillé. C’est un réel exploit que de reprendre à un Nehantiste des pierres-coeur noircies. Il m’a fallu beaucoup d’efforts pour que Marlok joue son rôle. Mais c’est fait, comme prévu.
- Désormais il faut faire en sorte que les Zil gardent leur indépendance. Et pour ça, j’ai une solution à apporter.
- Quelle est-elle ?
Oogoe sorti alors un parchemin d’une de ses nombreuses poches cachées.
- Ceci est un acte de propriété. Le Corbeau offre aux Zil un morceau de terre tout prêt de la frontière avec le Tombeau des ancêtres. Je sais bien que vous aimez voyager à travers le monde, mais cet endroit pourrait vous donner un pied à terre solide et vous permettrait d’être chez vous. Masque de fer faisait tourner un délicieux vin d’Yses dans son verre de cristal. Finalement il attrapa le papier.
- Les Combattants de Zil n’oublieront pas ce geste.
De son côté, Marlok voulait en savoir plus sur cette Ishaïa. Son nouveau rôle au sein des Envoyés le plaçait devant des situations inconnues. S’il avait déjà entendu parler du Conseil, il n’avait jamais croisé un de ses membres. Voyant que peu de personnes l’avait invitée à danser, il se lança.
- M’accorderiez-vous cette danse, ma Dame ?
- Volontiers, ils pensent tous que je dois mordre parce que je suis du Conseil, dit-elle en saisissant la main.
Marlok ne vit pas le regard noir d’Angélique qui en cet instant mourrait de jalousie. Les danseurs tournoyaient à un rythme relativement lent, ce qui leur laissa le temps de discuter.
- Vous êtes Marlok n’est ce pas ? J’ai entendu parler de votre si singulière histoire.
- Triste histoire, heureusement pour le moment elle se termine bien.
- J’ai lu le rapport que Prophète a envoyé au Conseil, et de votre coup d’éclat. Impressionnant.
- Je vous remercie du compliment.
- Je sais donc que les vôtres, et donc que vous, avez affronté un Nehantiste.
Marlok cessa de danser.
- Allons parler de ça un peu plus loin, voulez-vous, lui dit-il en lui tendant le bras, qu’elle saisit en toisant l’assemblée d’un regard espiègle.
Sur l’un des nombreux balcons du château, les deux courtisans continuaient leur discussion. Au loin, la pierre tombée du ciel luisait faiblement comme si une étoile brillait sur Terre.
- Vous permettez ?
Marlok fit apparaître cinq petits cristaux bleutés.
- Rassurez-vous, c’est uniquement pour que nos paroles restent entre nous.
Ishaïa acquiesça et le mage plaça à distance égale les cinq cristaux au sol autour d’eux. Puis, d’un geste, ces derniers lévitèrent et une sorte de bouclier magique bleuté se forma, tel une bulle.
- Voilà nous pouvons parler librement. Que voulez-vous savoir ?
- Ce n’est pas tant ce que je veux savoir l’important, mais ce que je vais vous apprendre. Voilà déjà plusieurs mois que nous observons des comportements inquiétants au sein des guildes. Ce qui s’est passé avec les Combattants de Zil n’est pas isolé. Le nom de Nehant revient sans cesse et votre dernier rapport le confirme. Nous pensons qu’un ou plusieurs Nehantistes profitent du conflit de la Pierre Tombée du Ciel.
- Nous avons affronté un Nehantiste effectivement, mais nous ne l’avons pas vaincu, seulement fait fuir. S’il y en a plusieurs, j’ai bien peur que nous ayons beaucoup de soucis si nous devions les affronter.
La jeune femme prit un air sérieux.
- Le Conseil souhaite vous confier une mission, dit-elle en attrapant un des rouleaux attachés à sa ceinture.
Marlok fut surpris.
- Pourquoi moi ?
- Parce que vous avez l’expérience, la maturité et les dons nécessaires. Il nous faut le plus de renseignements possibles sur ce qu’il se passe en coulisses. Nous voulons des noms et surtout nous voulons savoir ce qu’est devenu Eredan.
- Rien que ça ! s’exclama t-il sur un ton ironique. Vous pensez sérieusement que tout seul je vais pouvoir agir au mieux ?
- Non, pas tout seul. Il y aura d’autres personnes qui auront la même mission que vous. Pour le moment et pour des raisons de sécurité, nous préférons que chacun garde l’anonymat.
- De toute façon, je n’ai guère le choix. Je dois me plier aux ordres du Conseil. Mais je suis lié à Dragon et Dragon saura ce qui se trame. Je doute que vous puissiez lui interdire de mêler les Envoyés de Noz’Dingard à cette histoire.
- Dragon sait déjà et nous avons convenu que pour le moment il n’interviendrait pas.
Marlok soupira puis ouvrit le parchemin et déroula l’ordre de mission. Après avoir parcouru son contenu, il le rangea.
- Je me mets en route dès demain.
- Alors si l’affaire est entendue, j’ai encore envie de danser.
Le mage annula son sort et tous deux rejoignirent l’assemblée.
- Une dernière chose, méfiez-vous de ces deux là, dit-elle en montrant Masque de fer et Oogoe.
Mort et renaissance
Prophète gisait allongé sur une table de cristal disposée au milieu de la grande place de Noz’Dingard. Le peuple était en deuil car désormais il n’avait plus de meneur. Anryéna, les yeux rougis par les larmes incessantes serrait la main de son fils. Autour d’eux, le silence n’était perturbé que par les pleurs des femmes. Kounok désormais de taille adulte dépassait de très loin tous les présents. Il se rendit compte, en voyant que quasiment toute la ville était venue, à quel point son frère était aimé. Naya et l’ordre des Sorcelames presqu’au complet saluait sa mémoire.
Tous lui dirent adieu.
Comme le veut la tradition, la nuit tombant sur Noz’Dingard, la foule s’éparpilla et, très vite, il ne resta plus qu’Anryéna et Kounok. Alors l’immense gemme bleue, point central de la vie en Draconie s’illumina. Une forme se dessina, d’abord simple lueur bleutée elle se matérialisa en un majestueux et immense dragon. Il se posa alors à proximité du défunt. Un halo apparut autour de Prophète et un double spectral sortit de lui. Anryéna semblait à la fois heureuse de revoir son fils, mais elle savait que c’était là sa dernière apparition.
- Ton existence est arrivé à son terme, je suis venu te chercher pour t’accompagner jusqu’à ta dernière demeure.
Prophète s’approcha de sa mère et, de sa main fantomatique, lui caressa la joue. Anryéna pleura de plus belle.
- Mère, retient tes larmes. Je serais toujours auprès de toi et Dragon va veiller sur moi.
- Je sais mon fils, je sais. Mais une mère a le droit de pleurer la mort de son enfant.
Kounok n’avait pas bougé d’une écaille et regardait son frère avec insistance. S’il avait pu parler, il lui aurait dit combien il allait lui manquer. Comme si Dragon avait su lire en lui, ce dernier approcha son immense tête.
- Es-tu prêt à prendre la relève Kounok ?
Anryéna protesta alors vivement.
- Quoi ? Me prendre un de mes enfants ne te suffit pas père ? Tu veux à présent faire prendre des risques inconsidérés à ton dernier petit fils.
Mais Kounok comme pour répondre regarda Dragon et acquiesça de la tête.
- Il a fait son choix ma fille. La Draconie a besoin d’un guide et, en cette ère de conflit, un nouveau Prophète doit apparaître.
- Mais Kounok n’est pas un mage. Or, tous les Prophète l’ont été auparavant.
- Il en est ainsi. Tes tentatives pour me dissuader sont vaines.
Anryéna baissa la tête.
- Mon frère, je sais que tu feras un Prophète fort et sage. Tu réussiras là où j’ai échoué.
L’ancien Prophète plaça sa main droite sur le museau de Kounok.
- Je te transmet la volonté de ceux qui nous ont précédés. Que leur sagesse et leurs connaissances soient tiennes.
A ce moment-là, une aura blanche enveloppa Kounok qui se sentit aussitôt comme assailli par des émotions et des images qui lui étaient inconnues. Dragon murmurait des paroles dans un langage inconnu. Kounok se transforma alors... en homme. L’aura blanche cessa peu à peu. Son incroyable ressemblance avec son frère était frappante. Il regarda ses mains puis toucha son visage en souriant. Il se racla la gorge et, pour la première fois de sa vie, put enfin s’exprimer par autre chose que par des grognements ou par le biais de la magie.
- Adieu frère, tu resteras à jamais dans mon coeur et dans celui de ceux qui t’ont connu.
Le fantôme de l’ancien Prophète disparut alors.
- Un Prophète part, un autre arrive. Comme tes prédécesseurs, un nouveau Chevalier dragon apparaîtra pour t’aider dans ta tâche.
- J’ai une bien meilleure idée, répondit Kounok.
- Je t’écoute, Prophète.
- Je ne souhaite pas de nouveau Chevalier dragon. Bien qu’il ait failli à sa tache, je veux garder Zahal auprès de moi.
- Si c’est là ton choix, je l’accepte.
- Ce n’est pas tout. Je souhaite aussi porter ce titre, car je ne suis pas mage comme mon frère, j’irais au combat l’épée à la main.
- Mais, cela va à l’encontre des règles, s’exclama Anryéna.
- Mère ! Les règles nous ont conduit à l’impasse. Il est temps de passer à autre chose et de montrer que notre peuple sait aussi se battre.
- Soit, je t’accorde ce droit.
- Encore une chose. Il me faut Chimère.
A ce nom, s’installa une sorte de malaise. Chimère était autrefois l’épée d’Ardakar qui restera comme le plus puissant des Chevaliers Dragon. C’est en partie grâce à lui que la Draconie l’emporta sur l’Empire de Xzia. Hélas Chimère, son épée fut l’instrument de sa chute lorsque la guerre contre Nehant éclata. L’épée fit faire des mauvaises actions à son porteur. Pour se débarrasser de l’emprise qu’avait Chimère sur lui, il n’eut d’autre choix que de la briser. Plus personne ne le revit jamais après ça. Le Prophète d’alors récupéra les morceaux de Chimère afin de les garder à jamais enfermés. Une épée apparut alors dans la main de Kounok. Sa lame de cristal était brisée et sa garde était usée.
- Dragon ! Pourquoi lui confier un tel instrument de mort ?
- Ma fille, je n’ai rien fait.
- Incroyable ! Elle est venue d’elle même !
- Elle n’est plus que le reflet de ce qu’elle fut jadis. Mais je sens qu’elle te sera utile.
Kounok regardait Chimère avec intérêt, il ne l’avait jamais vue ailleurs que dans un livre. Il espérait qu’elle devienne le symbole de la puissance militaire de la Draconie.
Plusieurs semaines passèrent et Kounok assurait pleinement ses nouvelles fonctions. Voilà quelques jours qu’il souhaitait repartir au Tombeau des Ancêtres et rejoindre les Envoyés, mis au courant de la nomination par Dragon de Kounok au rang de prophète. Mais le destin voulut que ce soit les Envoyés qui reviennent, du moins en partie, à Noz’Dingard. Prophète était en grande discussion avec quelques conseillers lorsqu’un garde lui apporta un message. Aerouant, Alishk et Zahal venaient d’arriver en ville et rapportaient avec eux Marlok le traître. Il les fit donc mander afin de les recevoir dans la grande salle. Zahal rentra en premier, tête basse, il savait qu’il allait être puni pour sa faute, suivi d’Alishk, de Marlok, maintenu prisonnier par des liens magiques, et enfin d'Aerouant qui en voyant Prophète fut déstabilisé. Kounok ressemblait tant à son père.
Zahal jeta Marlok au sol.
- Seigneur voici Marlok le t...
Il n’eut pas le temps de finir sa phrase que Chimère apparue dans la main de Kounok. Guidés par leurs instincts, ils avaient immédiatement vu une présence derrière Marlok, avec entre eux un lien étroit. Prophète frappa la présence avec rapidité et précision, coupant le lien invisible. Marlok perdit connaissance à cet instant. Une forme noire et vaguement humaine se forma.
- Aaahhhh, un nouveau Prophète... Tes jours sont comptés...
Puis la forme s’évapora.
Zahal, Alishk et Aerouant étaient abasourdis par la scène qui venait de se produire.
- Qu’est ce que c’était ?, demanda Aerouant.
- Je ne suis pas certain, mais j’ai bien l’impression que je viens de libérer Marlok de l’emprise d’un Nehantiste.
Zahal regardait l’épée de son nouveau chef, elle lui disait quelque chose. Puis ses souvenirs lui revinrent. Oui, il l’avait déjà vue, cette lame brisée... Chimère ! C’est à ce moment qu’il sentit que Prophète était aussi un Chevalier Dragon, ce qui l’affligea au plus haut point. C’était cela sa punition, allait-il perdre son statut ?
Le lendemain, Marlok avait repris connaissance. Bien sûr, il était enfermé dans une des cellules de la prison de la ville, bien gardé par deux Sorcelames. Mais de cela il se moquait bien car enfin il parvenait à penser par lui-même.
- Alors traître, tu es réveillé ?, la voie d’Anryéna symbolisait bien son sentiment du moment : la colère. Tu sais ce qui t’attend ?
Marlok se leva avec nonchalance et s'épousseta.
- Tu sais, je viens de vivre plusieurs mois sous l’emprise d’un Néhantiste. Tu peux bien me laisser croupir ici jusqu’à la fin de mes jours.
- Que... quoi ?
Marlok comprit aussitôt. Kounok ne lui avait rien dit.
- Je vois que ce Prophète-là se permet de te cacher des choses importantes. D’un autre côté c’est vrai qu’il est très différent de son frère.
- Je verrai avec lui.
- Voir quoi, mère ?, dit Prophète alors qu’il entrait dans la salle des cellules.
- Pourquoi vous ne lui dites pas tout, répondit Marlok.
Kounok regarda les Sorcelames.
- Veuillez nous laisser, je vous prie.
Sans bruit, les deux jeunes femmes quittèrent la salle.
- Je sais ce que vous avez fait par le passé Marlok. Voler des informations et des sorts interdits de cristalomancie sont des crimes graves. Mais je sais que vous avez toujours gardé ça pour vous. Ma mère vit dans ce passé et n’est pas capable de pardonner. Vous avez déjà été puni et je ne rajouterais qu’une chose. Vos fautes sont lavées, aujourd’hui plus que jamais la Draconie et les Combattants de Zil ont besoin de vous.
- Si j’ai été sous l’emprise d’un néhantiste, eux le sont probablement aussi n’est ce pas?
- C’est ce que j’aimerais savoir, ajouta Prophète en ouvrant la porte de la cellule.
Anryéna était blessée et en colère, mais comprenait que l'intérêt de la Draconie exigeait d’elle qu’elle ne fasse rien.
- Je vous renvoie parmi les combattants. J’aimerais que vous utilisiez ceci. Kounok tendait un monocle usé.
- Ceci a été fabriqué par Asal d’Arguemand, l’illustre inventeur de la cristalomancie. Il a été fabriqué durant la guerre contre Néhant afin de repérer les gens qui étaient sous emprise. Il vous appartient désormais. Vous êtes libre de faire ce qu’il vous plaît. Vous pouvez parfaitement ignorer, bien que cela m’étonnerait, la possession de vos amis Zil ou bien fuir. Ou vous pouvez revenir à vos racines et gagner votre place au sein des Envoyés. A vous de choisir votre chemin.
Marlok avait perdu plusieurs mois de sa vie et son golem bien aimé, qui lui avait d’ailleurs valu son renvoi du Compendium. Plus rien ne le rattachait désormais à cette vie d'errances. Par contre, il ne pouvait se résigner à abandonner les Zil à leur sort. Eux qui l’avait recueilli lorsqu’il n’avait plus d’endroit ou aller...
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Dernière édition par Laharl le Dim 31 Oct - 20:09, édité 1 fois